Les tableaux de comportement sont régulièrement utilisés en classe pour gérer et suivre le comportement des élèves.

Selon moi, ces tableaux peuvent être contre-productifs pour plusieurs raisons.

A. L'effet Pygmalion

Souvent, ce sont toujours les mêmes élèves qui se retrouvent dans le rouge ou dans le noir (les couleurs généralement associées aux comportements négatifs dans ce type de tableau). Ces élèves vont s’habituer à leur « grade » :

« Le maître m’a mis dans le rouge, comme d’habitude. C’est normal, je suis agité. Je vais agir comme un élève agité».

C’est l’effet Pygmalion :

l’élève adopte un rôle dont il aura du mal à se défaire. Le tableau de comportement stigmatise les élèves ayant des difficultés à gérer leur comportement sans leur offrir les moyens de modifier leur comportement.

B. Impossible de remonter

Cette critique n’est pas systématique, car certains enseignants, qui utilisent ce tableau, permettent aux élèves de « se rattraper » et de remonter dans les couleurs.

Lorsque j’accompagne un enseignant débutant qui tient absolument à mettre en place un tableau de comportement, je lui recommande d’inclure cette possibilité.

Imaginons un élève qui n’a pas la possibilité de « remonter » et qui est dans la zone la plus négative :

quel sera l’intérêt de respecter les règles de la classe ?

Il n’a plus rien à «perdre».

C. Une obsession

Les parents attentifs posent souvent cette question à leurs enfants en fin de journée : « Dans quelle couleur es-tu ? ».

C’est compréhensible, c’est un des critères les plus visibles, voire le seul visible, de la journée de leur enfant. Les parents peuvent donc s’appuyer dessus, et parfois, ils disposent que de ce tableau pour évaluer la journée de leur enfant.

C’est dommage, la classe est d’abord un lieu d’apprentissage.

Un bon comportement devrait être un moyen pour mieux apprendre.

Avec le tableau de comportement, le bon comportement devient une fin en soi. C’est l’objectif premier de l’enfant : bien se tenir pour être dans le vert ou le bleu.

D. Beaucoup d'énergie pour rien

La gestion d’un tableau de comportement demande beaucoup d’énergie de la part de l’enseignant.

Il doit être constamment attentif pour déplacer les étiquettes des élèves et assurer la « justice » dans la classe. Il doit tenir « les comptes » : bavardages non autorisés, moqueries…

Il doit s'interrompre régulièrement pour : reprendre les élèves, déplacer les étiquettes ou menacer de le faire, voire de sanctionner les élèves qui sont dans le rouge ou le noir.

Le processus est fastidieux et chronophage, pouvant même créer des distractions en classe sur les quelques secondes prises pour renseigner ce tableau. L’attention de l’enseignant se porte sur le tableau plutôt que sur l’apprentissage. Il doit ensuite prendre le temps de se « reconnecter » à son enseignement.

E. De mon côté

Si je dois sanctionner un élève, je n’ai pas besoin d’un tableau de comportement, je le sanctionne directement.

Si je dois prendre du temps pour un tableau, c’est pour le tableau de suivi des apprentissages ou pour la feuille de route de la semaine.

Je vais valoriser l’élève qui a progressé. Je prends le temps de lui montrer ses progrès ou le travail qu’il a effectué.

Je montre que mon objectif premier est le travail, l’apprentissage avec des critères visibles.

L’élève ne sortira pas à 16h30 en disant qu’il est dans le vert ou le rouge. Il sortira en expliquant le travail qu’il a effectué. Et pour mieux travailler, il a intérêt à « bien » se comporter.

Le « bon » comportement doit être un moyen et non un objectif en soi.

E. Pour aller plus loin

En postant cet écrit d'abord sur Instagram et Twitter, j'ai reçu de très nombreux retours d'enseignants et de parents en public et en privé.

Beaucoup d'enseignants ont expliqué avoir débuté avec un système d'un tableau de comportement. Ils ont généralement abandonné pour l'effet Pygmalion et la perte d'énergie engendré.

Beaucoup de parents ont témoigné sur le côté "obsession". Dès le plus jeune âge, en petite section, des enfants peuvent être stressés par ce système et attendre avec soulagement, ou non, le vendredi où ils vont obtenir leur tampon ou leur couleur. Tout est centré sur ce système et plus sur les apprentissages. Et le plaisir de venir à l'école. Le programme maternelle écrit dans ses premières lignes : "Sa mission principale est de donner envie aux enfants d'aller à l'école pour apprendre, affirmer et épanouir leur personnalité."

J'ai reçu de nombreuses références qui peuvent être intéressantes pour alimenter la réflexion.

J'avais déjà lu un article de Charivari, utilisé d'ailleurs avec certains des stagiaires que je suis : Pour une classe paisible mais active.

Voici d'autres références que j'ai pas eu le temps de lire ou de consulter :

Des routines de classe pour mieux apprendre, de Nancy Boisclair, conseillère pédagogique à Montréal.

Pratiques gagnantes et pédagogie 3.0 : amplifier son efficacité et optimiser la progression de ses élèves, de Stéphane Côté. Une préface de John Hattie me laisse à penser que le contenu est d'excellente qualité.

L'enseignement explicite des comportements, par Steve Bissonnette, Clermont Gauthier, Mireille Castonguay. Je connais un peu Steve Bissonnette. Si un débat est possible sur son approche, je pense qu'il est intéressant de connaître son point de vue.

Je ferai des comptes-rendus de mes lectures à l'occasion.