Le programme maternelle met en avant quatre modalités d’apprentissages : apprendre en jouant, apprendre en
réfléchissant et en résolvant des problèmes, apprendre en s’exerçant, apprendre en se remémorant et en mémorisant.
Cet article s’appuie sur la première et la troisième modalités : l’apprentissage par le jeu et la nécessité de
s’exercer en laissant à chacun le temps nécessaire.
C’est aussi l’occasion pour moi d’écrire sur un sujet qui me tient à cœur : comment rendre visible les progrès ?
Sommaire :
En classe, en pratique, vidéo introductiveDonner du temps au temps aux enfants (et au plus grands !)
Rendre visible les progrès
Propositions d'affichages à télécharger
En classe, en pratique, vidéo introductive
Cette vidéo en classe montre une pratique où les enfants s'exercent pendant un temps court sur la boîte à compter. Chacun avance à son rythme, effectue une tâche qu'il est capable de réaliser seul, avec parfois une réflexion autonome. Je leur montre ensuite où ils en sont, ce qu'ils viennent de réussir et là où ils vont s'exercer par la suite.
Donner du temps au temps aux enfants (et au plus grands !)
Lorsque le programme maternelle traite de la modalité « apprendre en s’exerçant», il est clair sur la notion de temps : « Les apprentissages des jeunes enfants s’inscrivent dans un temps long ».
1. Programmer les différents jeux sur l’année
Dans la pratique, lorsque je présente une nouvelle situation, un nouveau jeu, je dois penser à différents temps :
celui de la découverte, de l’appropriation, le temps où l’enfant progresse et devient expert. Je vais alors programmer
sur l’année les différents jeux utilisés en classe : pendant 4 semaines, nous allons jouer à la boîte à compter
par exemple.
Je vais aussi permettre de revenir sur un jeu vu en début d’année : nous avons pris du temps en
septembre octobre sur la boîte à compter, mais les enfants ont le droit d’y revenir par la suite.
2. Prendre du plaisir en s’exerçant, en s’entraînant
C’est valable pour nous. Si on me présente un jeu de société, je vais prendre le temps de comprendre les règles,
ce n’est pas toujours un moment facile, c’est parfois un investissement cognitif important.
Une fois cet effort produit,
si le jeu me plaît mais qu’il n’est plus possible d’y jouer, il n’y aura rien de plus frustrant pour moi. Je souhaite
pouvoir y jouer à nouveau, me tester, essayer certaines stratégies et devenir meilleur à ce jeu.
Nous prenons du plaisir en nous exerçant.
3. S’exercer pour ancrer les apprentissages
Dans un autre contexte plus technique, une personne expérimentée va m’apprendre une procédure complexe avec un
ordinateur. Je peux l’observer, reproduire les gestes nécessaires sous sa supervision. Mais qu’en restera-t-il dans
6 mois si je ne me suis pas entraîné seul et régulièrement ?
Prendre le temps de s’exercer permet à la fois d’ancrer des automatismes, d’améliorer ses gestes, d’affiner des stratégies.
4. Des répétitions courtes et régulières pour apprendre
En pratique, il sera plus efficace de programmer 5 minutes d’apprentissage ou de répétition tous les jours, que de programmer
une séance 1 heure 30 une fois par mois.
Chaque année, je propose au quotidien pendant 5 minutes un problème mathématiques. Les enfants vont prendre le temps à
chaque période de comprendre la situation, de la jouer, de jouer avec un matériel qui symbolise la situation, de me voir schématiser
cette situation, puis à leur tour d’essayer de la schématiser.
Ce court apprentissage quotidien permet en fin d’année à une majorité d’élèves d’accéder à cette schématisation et à une forme
d’abstraction. Étudier uniquement de temps en temps un problème même en prenant plus de temps ne donne pas un tel résultat.
Steve MASSON le montre avec méthode dans « Activer ses neurones », chapitre « espacez l’activation des neurones »
En résumé, il est préférable d’avoir des séances courtes et nombreuses.
5. Apprendre à son rythme est sécurisant
Si je sais que je n’ai qu’un temps limité pour apprendre quelque chose de nouveau, je risque d’être en partie limité par le stress :
et si je n’ai pas tout compris à temps ? Et si j’ai réussi par hasard, est-ce que je serai capable de recommencer seul à l’avenir ?
Si, au contraire, je sais que j’ai le temps d’apprendre à mon rythme, j’entre dans un cadre sécurisant.
6. Entre répétitions et nouveautés
Steve MASSON et dans une autre mesure Roland GOIGOUX avec Sylvie CEBE et Jean-Louis PAOUR mettent en garde contre certains formes de répétition. Ces derniers préconisent une « répétition sans répétition » (Phono) :
Une activité répétée constamment sans variable va lasser tout le monde. Un entraînement prolongé sans variation amène, chez Steve MASSON,
à la « répétition suppression » : le « cerveau se désactive », nous entrons dans un mode automatique sans réflexion, sans apprentissage.
Au contraire, trop de nouveautés risquent de perdre les enfants qui devront sans cesse produire des efforts cognitifs importants pour comprendre les nouvelles situations.
Rien ne sera prévisible pour eux et ils seront dans un cadre non sécurisant.
L’important est de proposer un cadre général pour un jeu, pour une situation et d’apporter progressivement, selon les capacités de chacun, de nouvelles variables à l’intérieur
de ce jeu ou de cette situation.
Rendre visible les progrès
En pratique, je vais montrer à l’enfant où il a commencé son apprentissage, ce qu’il savait au début, puis ce qu’il apprend au fur et à mesure. Il lui sera rappelé que chacun apprend à son rythme. Sur un temps donné, l’enfant verra ses progrès. Il existe différentes manières de mettre en évidence les progrès de chacun. Je vais décrire trois manières de rendre visible les progrès.
1. Noter les progrès : la fiche de suivi de l'enseignant
C’est le premier outil, le plus simple à mettre en place. Il consiste à noter l’ensemble des élèves dans une colonne et de noter dans les autres
des critères en rapport avec une activité donnée. Pour les débutants, je conseille de se concentrer sur un ou deux critères, observables et de les
renseigner avec une croix, un symbole ou une lettre. Il n’est pas simple à la fois de gérer sa classe, son groupe d’élèves et de prendre des notes
sur ce qu’il se passe… même parfois en étant expérimenté !
Ce premier outil est simple à mettre en place, mais il est uniquement lisible par l’enseignant. C’est lui qui en sera l’interprète auprès des élèves, c’est un intermédiaire entre l’enfant et les progrès qui seront notés. Au-delà de ces limites, c’est un outil qui est le plus souvent indispensable au quotidien.
2. Rendre compte des progrès : le cahier individuel créé par l'enseignant
Pour les enseignants expérimentés, il est possible de proposer un cahier individuel qui sera la propriété de l’enfant. Ce cahier est préparé par l’enseignant
avec différents domaines qui seront parlant pour les enfants : une partie puzzle, une partie pour le nom des lettres, etc. Il sera illustré avec des photos,
des images de ce qui sera attendu. Il sera validé avec un tampon ou des étoiles à colorier. Il sera structuré avec des encoches et un système de couleur pour
aller plus vite à la partie visée. Enfin, ce cahier aura une couverture robuste (type polypro) pour tenir l’année. L'enseignant prend le temps de montrer son utilisation,
les élèves comprennent vite, tiennent à leur cahier et à voir l'adulte "valider" leur travail.
3. Rendre compte des progrès : les cahiers d’activités de Laurène, un outil déjà construit
En travaillant en partenariat avec Nathan sur certains jeux comme la boîte à compter, l’atelier des abaques ou l’atelier des mots, cette maison d’édition m’a proposé de tester les
cahiers d’activité de Laurène (de "la classe de Laurène") qui a travaillé en parallèle sur les mêmes jeux.
Ces cahiers d’activités commencent tous par une feuille de suivi des différents fiches liées aux jeux. Ils permettent ainsi à l’enseignant de gagner un temps de préparation important.
Il n’y a plus qu’à tamponner ou à coller des gommettes la fiche réussie dans le cahier de l’enfant.
Par ailleurs, ces cahiers permettent aux enfants de passer de la manipulation des objets (perles, lettres mobiles, jetons…) à une activité écrite. Ce passage de la manipulation à une
activité plus abstraite se fait de manière progressive et pourra guider les enseignants débutants. Ils pourront comprendre de manière pratique comment se construit une progression sur une compétence donnée.
Du côté des enseignants plus expérimentés, ces cahiers pourront être une aide pratique avec les fiches de suivi déjà construites mais également les inspirer sur certains exercices qu’ils pourront développer
et où ils pourront apporter des variables. C’était mon cas par exemple avec un des exercices proposés sur les lettres d’un mot donné à colorier parmi une liste de lettres. Le principe est clair pour les élèves,
l’enseignant peut alors proposer le même exercice avec des mots différents, éventuellement en changeant quelques variables.
4. Rendre compte des progrès : un affichage lisible par les élèves ou "design thinking"
Enfin, voici une troisième manière de rendre compte des progrès de chacun : l’affichage en classe. Au quotidien, il est facile à remplir. J’observe un élève, il a réussi une activité, j’utilise un feutre
pour noter devant lui sa réussite sur l’affichage dédié. C'est le principe vu dans la vidéo introductive.
Les murs de la classe ne sont pas infinis, il faut alors choisir ce qui sera affiché ou non. Ce qui n’est pas affiché pourra être noté dans le cahier individuel de l’enfant ou éventuellement sur une fiche de
suivi de l’enseignant. Ces trois systèmes ne s’excluent pas, ce n’est pas un système contre les autres. Ma classe utilise à la fois des fiches propres à l’enseignant, des cahiers individuels et des affichages
relatifs aux progrès des enfants.
5. Comment concevoir son affichage : les éléments de base
Le plus important ici est la conception de l’affichage. Il doit être compréhensible par les enfants. Il sera imagé, sans élément superflu. Les tableaux à double entrée seront évités : si certains s’y repèrent, ce n’est pas le cas de l’ensemble des élèves. Je propose une ligne par enfant avec sa photo et son prénom pour un repérage rapide pour lui et moi.
6. Disposition des éléments sur l'affichage : un chemin progressif
Enfin, il faut réfléchir à la disposition des éléments : est-ce que les différents éléments sont progressifs entre eux ou ne sont que des éléments complémentaires ?
Si les éléments sont progressifs, s’il faut acquérir A avant B et B avant C, je vais privilégier la représentation d’un chemin qui part de A, qui passe par B avant d’aller à C. Par exemple, pour le monstre à compter,
l’enfant va apprendre à disposer d’abord 3 yeux, à construire 3 avec les deux mains du monstre et chercher la constellation 3, avant de passer à un nombre supérieur.
7. Disposition des éléments sur l'affichage : des constellations
Si les éléments ne sont pas progressifs entre eux, mais participent à l’acquisition d’une même compétence, je vais privilégier un aspect circulaire entre ces éléments : tous concourent à l’acquisition d’une même compétence. Par exemple, je vais proposer 8 modèles en pâte à modeler d’une même difficulté (en 2 dimensions). Les enfants vont s’exercer sur ces 8 modèles. Sur l’atelier des mots, l’élève va s’entraîner à reconstituer des mots donnés avec un modèle donné d’abord à la même échelle que les lettres mobiles. Les 6 mots proposés ne sont pas forcément progressifs ou n’ont pas une progression particulièrement marquantes. Encore une fois, l’enfant va s’exercer sur différents modèles qui visent ensemble la même compétence.
8. Disposition des éléments sur l'affichage : chemins et constellations
Parfois, il y a à la fois une progression et une non-progression entre les différents éléments. Je vais construire un chemin global mais à l’intérieur des formes circulaires. Par exemple, sur le son des lettres, j’ai remarqué que les sons A I et O étaient plus faciles à acquérir que les sons E, É et U. Sur mon affichage, ma première étape sont les sons A I et O disposées de manière circulaire. Un chemin mène ensuite vers la seconde étape avec les sons E, É et U.
Avec le recul, il faudrait également disposer de manière circulaire ces trois sons (E, É et U). Un élève pourra acquérir le U avant le E. Une seconde affiche concerne les consonnes dont il est possible de tenir le son. Ici, je ne fais pas de progression entre ces différents sons. Les difficultés entre ces sons sont beaucoup trop nuancées pour moi pour en construire une progression.
9. Souplesse dans les progressions prévues
Enfin, je pense qu’il ne faut pas être prisonnier d’une progression trop rigide. Dans l’exemple sur le son des lettres, je juge globalement qu’il est d’abord important important d’avoir les sons voyelles simples
avant de passer aux consonnes dont on peut tenir le son, puis aux consonnes explosives (T, D, P par exemple) et aux voyelles complexes.
Néanmoins, des enfants pourront bloquer sur certaines voyelles simples et acquérir des consonnes dans le même temps. Il convient d’être souple sur le chemin prévu et les chemins pris en pratique par certains enfants.
10. Outils pour construire ces affichages
Comment construire ces affichages ? Si de mon côté, j’utilise Illustrator, il est tout à fait possible d’utiliser des outils gratuits comme Impress, Gimp, ou le site Canva avec un compte enseignant. Une fois mon chemin construit, je le place dans un tableur où j’ai déjà disposé les photos et prénoms de mes élèves.
Propositions d’affichages à télécharger
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