J'apprends à programmer un robot, Nathan, par Séverine Haudebourg
L’auteure : Séverine Haudebourg est professeur des école, titulaire du CAFIPEMF, dans les Pyrénées Atlantiques.
Elle est depuis peu nommée ERUN (formatrice dans le domaine numérique pour le premier degré).
Elle est à l’origine du projet collaboratif « Problemater »
sur la résolution de problèmes en maternelle et au cycle 2. Vous pouvez la retrouver sur Twitter où elle s'intéresse à de nombreux sujets pédagogiques.
L'ouvrage il s’adresse aux enseignants en maternelle (PS-GS), et au CP, mais également aux formateurs numériques ou généralistes s’intéressant à la programmation chez les jeunes enfants.
Il est constitué de 4 grandes parties : les activités langagières, l’appropriation du robot, le cheminement vers l’abstraction puis les projets interdisciplinaires. Le manuel, en lui-même, est riche de plus de 200 pages et a en complément un dossier ressources de plus de 300 pages avec des éléments à découper (et à plastifier pour mes élèves :) ).
L’ouvrage est à la fois pratique pour mener rapidement des séquences sans oublier de donner un cadre théorique précis et compréhensible. Il fait ainsi le point sur le lexique et la distinction entre des termes souvent confondus comme « programmer », « coder ». Il prend le temps d’expliquer l’intérêt d’apporter des séquences de programmation à de jeunes enfants : résoudre des problèmes dans un cadre très motivant, modifier son rapport à l’erreur, anticiper, planifier ses actions. Ces séquences « favorisent une meilleure estime de soi, des autres et suscitent une motivation réelle dans les apprentissages ». Je ne peux qu’applaudir ce passage, pour le vivre, chaque année, avec mes « grands ». Certains élèves se « réveillent » lorsqu’ils utilisent un robot type Beebot ou Jack la souris robot, montrent un entrain particulier et des compétences parfois non visibles jusque là.
Au sujet de la manipulation et du passage vers l’abstraction, la progression est fine. J’ai pu retrouver les idées principales des séquences sur la manipulation que je proposais dans le passé avec mes collègues formateurs. Les séquences sur l’abstraction sont même bien plus riches et approfondies : elles seront bien utiles à ma propre pratique. Chaque séance a son déroulé précis, ses conseils, ce à quoi il faut s’attendre.
Du côté des séquences proposées, j’apprécie l’ordre des grandes parties. Pour moi, le robot est d’abord un objet qu’il faut s’approprier, par le langage et la manipulation et qui permettra ensuite d’aller vers l’abstraction avec des suites d’instructions, par exemple, à décoder. Les projets interdisciplinaires, comme rejouer une histoire, dire le nom des lettres, ne viennent qu’après. Si ces projets ont un intérêt pédagogique réel, ils ne sont pas le cœur du projet d’apprentissage avec un robot. L’ouvrage leur accorde une juste place : il s'agit d'attendre que les élèves soient "parvenus à un niveau de maitrise, voire d'expertise, dans le domaine de la programmation" pour leur proposer de "développer leur créativité et leur imagination".
L’ouvrage est donc particulièrement riche avec de très nombreuses séquences. Faut-il tout faire ? C’est le propre de chaque manuel d’être le plus exhaustif possible, c’est à l’enseignant de piocher, de faire du tri, en fonction de ses élèves, de ses priorités. Il pourra, d’une année sur l’autre, choisir une séquence ou autre, ou trier les activités dans les séquences proposées.
Au final, je suis touché par un tel ouvrage sur un sujet qui me tient à cœur depuis 2015 (groupe de travail entre formateurs, jeux en ligne, épreuve de formation CAFIPEMF...). Séverine Haudebourg a su
prendre le temps de construire un manuel qui apportera un accompagnement précieux tant aux enseignants curieux qu’aux plus expérimentés.
Et alors que nous nous interrogeons plus que jamais sur
les meilleures manières d’amener nos jeunes élèves à apprendre à lire, il me semble que des séquences sur la programmation ont un intérêt tout particulier. Ces séquences permettront à l’élève de mieux
s’orienter dans un espace donné, comme celui de la feuille, à distinguer différentes orientations, comme celles des lettres, à placer une suite d’instructions de gauche à droite,
à établir un lien entre un élément symbolique (une flèche orientée) et une action précise. Bref, l'élève s'exerce sur de nombreuses habilités particulièrement utiles en lecture.
Pensez-vous également qu’apprendre à programmer contribue les élèves à mieux entrer dans la lecture ?
Comment est venu ton intérêt pour les robots en maternelle ?
Cela commence à dater... Je pense que j’avais dû voir sur Twitter quelques enseignants dits « innovants » amener des robots en classe. D’un naturel un peu critique, j’ai pensé voir de simples gadgets. Alors j’ai voulu essayer pour comprendre pourquoi ils les utilisaient en classe. Et là… petite claque ! J’ai observé mes élèves et j’ai vite compris l’intérêt de ces robots et tout leur potentiel. Comme j’aime bien bousculer la vision des enseignements en maternelle, j’ai rapidement adopté ces robots pour travailler. Depuis, je ne peux que louer cette découverte initiale : mes élèves gagnent en compétence dans de nombreux domaines.
Quand tu es en classe, quelle place accordes-tu à la programmation des robots ?
C’est vraiment très variable ; cela dépend des autres projets que je compte mettre en œuvre dans l’année. En général, je prévois une période pour aborder les bases de la programmation avec les robots de sol. Puis je propose un projet interdisciplinaire qui permet de transposer les compétences acquises dans d’autres domaines (exemple le film « Le voyage de BeeBot dans les œuvres de Banksy »). Les robots sont de bons supports aux tâches complexes.
En fait, j’aime assez changer et ne pas m’enfermer dans une programmation. Cette année, j’ai envie de faire une exposition participative à destination des familles pour présenter le travail mené en classe en programmation et amener les parents à changer de regard sur ces apprentissages. Je ferais sans doute encore autrement si je n’avais que des petites sections. C’est pourquoi j’ai pensé à écrire un ouvrage flexible qui pourrait convenir au plus grand nombre.
Quels sont pour toi les intérêts majeurs de la programmation des robots ?
C’est difficile de ne retenir que quelques avantages et points d’appuis… Je vais me limiter à trois plus-values. Le rapport à l’erreur tout d’abord : le fait que cela passe par une machine permet de gagner en légèreté pour de nombreux élèves. Étonnamment, ces derniers gagnent en persévérance : ils veulent à tout prix que le robot réussisse à faire ce qui est prévu ! J’ai été souvent surprise par l’investissement et les performances d’élèves qui, d’ordinaire, se montraient peu assurés. Le robot agit comme un révélateur.
L’analyse ensuite. C’est une compétence générale qui est peu travaillée à l’école. Mais elle est en fait essentielle tant dans le milieu scolaire que dans la vie. En programmant, les élèves apprennent à analyser une situation, à repérer un problème et à planifier sa résolution de manière logique et ordonnée. Tout cela avec méthodologie… Cela impacte positivement la manière d’aborder ensuite la résolution de problèmes.
Enfin la créativité. Les élèves sont étonnants et la programmation leur donne l’occasion de la libérer et même de la mettre en avant. Ils imaginent sans cesse des parcours, des déplacements, des situations nouvelles… Après plusieurs années de pratique, travailler avec des robots en classe me semble être une source inépuisable d’idées et d’apprentissages.
J’aurais pu parler de la coopération aussi… J’aurais pu ! :)