Apprendre à situer des nombres sur une droite en grande section
Le sujet est polémique avec certains exercices proposés depuis quelques années aux évaluations CP.
Néanmoins, si nous prenons la peine de décomposer l’exercice, nous pouvons aider les élèves à construire de
meilleures représentations mentales. Cet article est avant tout un retour d’expérience sur le passage entre la
manipulation physique et la manipulation mentale autour de cet exercice, et au final, une valorisation
de certaines approximations.
1. Ritualisation et manipulation physique : un préalable nécessaire
C’est un passage obligatoire et nous devons prendre soin d’y passer le temps nécessaire : plusieurs semaines,
plusieurs mois si nécessaire. De nombreuses activités classiques et connues sont possibles. En général, les bons
manuels y font références et proposent des séances dédiées.
En activité rituelle, il est intéressant de disposer d’une frise numérique où chaque nombre peut être enlevé ou
caché. L’enseignant demandera quel est le nombre caché ou disparu en commençant par supprimer un nombre
entre 1 et 5 avant de passer aux suivants. Il prendra soin de ses formulations : « Le nombre après… »,
«Le nombre qui suit... », « Le nombre juste avant... ». En répétant chaque jour cette activité courte, nous aidons
les élèves à mieux comprendre l’exercice et à acquérir des automatismes.
Les séances dédiées ou les ateliers dirigés permettront aux élèves de manipuler eux mêmes la frise mobile. Il est
aussi possible d’imaginer des jeux où le corps entre en scène, où chaque dispose d’un nombre et où il s’agit de se
placer « dans l’ordre ». J’aime l’idée de placer les maisons dans l’ordre. Les enfants comprennent facilement que
les maisons dans la rue ont chacune un numéro et qu’elles sont placées dans un ordre croissant.
2. Le passage à la trace écrite : vers l'abstraction
Avec mes élèves, ce passage est progressif et avec des variables qui le sont tout autant. Un exercice par semaine est
proposé depuis la période 3. Je vous présente les variables que j’utilise. Selon les réussites, je passe pour certains
au niveau suivant au bout de plusieurs semaines. Un élève peut effectuer un niveau « facile » pour lui, mais je vais
l’inciter à prendre un exercice qui correspond à son niveau.
a. une fiche imagée avec des « trous » entre deux nombres et l’aide de la frise complète
Je reprend tout d’abord longtemps les images des maisons qui ont chacune un numéro. L’élève dispose directement de la frise numérique sur sa fiche.
Je propose chaque semaine une fiche avec un nombre maximal qui va jusqu’à 5 ou 6 et une autre qui va au-delà. Chaque semaine, je modifie les nombres qui seront à trouver.
b. une fiche imagée avec deux ou trois trous consécutifs possibles entre les nombres sans l’aide de la frise
En pratique, nous avons passé toute une période sur ces variables avant de passer à la suite.
c. une fiche imagée avec des trous entre deux nombres sans frise sur la fiche
Ce n’est pas « le niveau supérieur » du « b », mais c’est une possibilité offerte aux élèves qui ont passé du temps sur le niveau « a » pour aller plus loin. C’est une sorte d’itinéraire bis.
Il y a toujours les maisons. Mais il n’y a plus la frise à disposition immédiate. L’enfant peut toutefois faire sa recherche en classe. Cela prouve qu’il sait
où est l’information.
d. une fiche abstraite avec un écart de 2 entre les nombres de référence
Ce passage à une fiche plus abstraite fait l’objet d’un accompagnement quotidien en activité rituelle. La fiche est agrandie et nous cachons les autres questions.
Je propose à nouveau l’image de la maison alors qu’elle n’est plus représentée : « Ici, c’est la maison avec le numéro 1 et ici, c’est la maison avec le numéro 4. Quels sont les nombres
possibles entre le 1 et le 4 ? ».
Les élèves disposent des étiquettes amovibles des nombres et comprennent facilement qu’entre 4 et 7, il y a le 5 et le 6.
Je demande ensuite de qui la « maison mystère » est-elle la plus proche ? Est-elle plus proche du 4 ou du 7 ? L’élève placera le nombre attendu et il aura le droit de placer l’autre nombre.
Chaque semaine, les nombres de référence sont modifiés.
Nous passerons plusieurs semaines sur ce type d’exercice toujours pour prendre le temps aux élèves de comprendre l’exercice, de s’y exercer avec succès
avant de passer à la difficulté suivante.
e. une fiche abstraite avec un écart de 3 entre les nombres de référence
Par exemple, la fiche aura comme référence le nombre 2 puis le nombre 6. Le nombre mystère sera d’abord situé au milieu. L’enfant aura pris l’habitude de placer
mentalement deux nombres avec la variable précédente. Il pourra toujours répondre aux questions : « quels sont les nombres qui manquent entre les deux ? » puis placer
ces nombres sur la frise de manière régulière. Le nombre mystère ne sera ensuite plus placé forcément « au milieu ».
f. jouer sur le nombre de graduations invisibles et jeux numériques
La grandeur des nombres proposée n’est pas la variable la plus importante ici. Ce qui compte est d’abord le nombre de graduations invisibles proposées entre
les nombres : en proposer 2, puis 3, puis 4… Il est ensuite possible pour les élèves les plus à l’aise d’alterner le nombre de graduations sur un même exercice.
Je propose alors mes jeux numériques où c’est l’ordinateur qui tire au sort les nombres et où l’enfant peut se situer dans un niveau donné. Certains niveaux
proposent un timer ce qui aidera à construire plus vite des images mentales.
Des niveaux "entraînement" proposent une aide progressive si l'enfant ne trouve pas le résultat attendu d'abord en rendant visible les graduations.
Puis le jeu indique les nombres des autres graduations.
g. valoriser le résultat proche
J’estime qu’hésiter entre 3 et 4, alors que le nombre attendu est 4, sur sur frise qui va de 1 à 10 sans repère est un résultat à valoriser.
L’enfant estime correctement de manière approximative le résultat attendu. J’ai ainsi mis en place le système de points du tir à l’arc. L’enfant qui trouvera le
résultat exact aura 10 points. Celui qui trouvera un résultat à 1 près (3 à la place de 4) aura 8 points, etc.
Dans la vie courante, nous n’avons pas toujours de règle à sortir et de manière générale, nous essayons de nous appuyer régulièrement sur des approximations.
Est-il utile de connaître le nombre exact de kilomètres entre Paris et Marseille ? Entre la terre et le soleil ? La surface exacte au cm² de notre logement ?
Nous avons une idée approximative, nous pouvons vérifier le résultat exact, mais il nous sera plus utile d’arrondir ensuite ce résultat. Il me semble donc
important de valoriser l’enfant qui aura un résultat proche du nombre attendu.